21/05/2010

Narval : plonger dans le web et en rapporter un diagnostic IRL

par Françoise Frisch - 3ème et dernier billet de la série "Internet et les Études Marketing et Opinion".

De la formidable source de données sur les personnes, les consommateurs, qu'offre le web spontané et interactif, comment tirer des diagnostics exploitables dans la vie réelle ? Comment échapper à la subjectivité du "nethnologue", au hasard très biaisé des promenades de lien en lien, au boucan des "buzzers et influenceurs", à l'autonomie d'un cybermonde qui a ses propres règles et conventions… parfois si déconnectées de la vraie vie ? C'est le problème précis sur lequel travaille actuellement le Collectif Cristal Research.

La solution à ce problème se situe à la frontière de deux professions : EMO et Veille. Nous n’avons pas encore établi la jonction (chacune des deux professions est a un bout du tunnel qui permettra, nous l’espérons, de traverser la montagne !)

Nombreux sont les problèmes à résoudre dont on n’imaginait même pas l’existence il y a 10 ans. Ex : cartographier un nouveau monde qui a la particularité (malicieuse, au sens anglo-saxon du terme) d’évoluer de manière permanente ! Enfoncé, ce pauvre Magellan… !

Approfondissons l’un des problèmes actuellement sur la table : analyser proprement cette quantité de matériel textuel trop lourde pour être traitée à la main.

Sur ce point précis deux principaux types de besoins, liés à l’abondance désordonnée des données textuelles disponibles. Il faut analyser et interpréter correctement des quantités énormes de données qui nous sont en quelque sorte livrées en vrac : la forêt est si touffue qu’elle cache l’arbre. Merveilleux outil de précision, le cerveau humain n’est pas adapté au travail de force !

  • Disposer de logiciels d’analyse textuelle performants = capables de « déblayer le travail » tout en restant « objectifs » : le travail du robot, qui prépare le travail de l’analyste, doit être reproductible et réfutable.
  • Désigner avec discernement et précision les étapes subsistantes pour l’analyse « manuelle », sachant que pour l’instant aucun robot n’est capable de nous remplacer complètement, nous autres humains.

 

La nouveauté de Narval se joue principalement sur l’articulation de trois points clé du process :

Premier point clé, la construction du corpus.

Le contenu de l’enquête dépend du périmètre du corpus saisi, dont la validité de l’enquête dépend donc à son tour. D’où l’extrême importance de la phase de rédaction des requêtes, phase à propos de laquelle nous avons mis au point une méthode qui associe travail en groupe multidisciplinaire (commanditaire de l’étude compris), caractère itératif du travail accompli (l’observation des premiers résultats permet de détecter des biais ou des manques) et outils informatiques permettant de cartographier la projection des requêtes sur le Web.

Second point clé : mise au point d’une méthode d’échantillonnage solide (reproductible et réfutable) construite sur un modèle à stratifications multiples qui rappelle celui des enquêtes menées en magasins. Autrement dit, si nous devons mener une même enquête un an après la première, ou sur le Web anglophone après le Web francophone, nous disposerons de repères qui permettront de stabiliser les comparaisons. Ou de barométrer, dans le temps, nos observations.

Troisième point clé tout aussi décisif : nous confions au logiciel d’analyse textuelle Alceste le soin d’organiser une pré-classification des données qui permettra de dégager un corpus réduit et en quelque sorte condensé, dont les dimensions seront compatibles avec l’esprit humain. Pourquoi Alceste ? Parce que ce logiciel nous semble apporter, dans cette mission de pré-classification, une reproductibilité et une réfutabilité que nous n’avons pour l’instant pas trouvées ailleurs.

Méthodologie nouvelle qui se développe dans un nouveau monde, le Plan Narval est aujourd'hui opérationnel … et progresse encore à chaque application. Notre process a déjà la puissance du magnifique cétacé dont il porte le nom, mais il n’en a pas encore toute l’agilité. Cela viendra, car nous sommes décidés à ce qu’il murisse rapidement et profite bientôt pleinement des talents de son unicorne !

20/05/2010

Sur le web, on parle du monde et on parle de soi

par Françoise Frisch. Suite de "Internet et les Études Marketing et Opinion : deux ruptures qui n'ont rien à voir".

Même en simplifiant à l’extrême, force est de distinguer au moins différents types de données disponibles en ligne, nouvelles par leur disponibilité et, dans certains cas, par la nature même de leur contenu.

  • L’effet magique d’Internet sur l’accès aux données de type encyclopédique est déjà ancien. Il s’est répandu dès les années 80 dans les milieux universitaires (connexion de bibliothèques) et dans nos métiers vers la fin des années 90. Et s’est fantastiquement amplifié au cours des années 2000, au point de changer profondément la relation au savoir : il y a d’abord l’accroissement permanent de la disponibilité de données classiquement encyclopédiques, mais aussi le développement d’une logique collaborative dont nous ignorons encore les conséquences pour l’avenir (ex Wikipedia ou encore l’évolution de l’astronomie depuis que le Web a permis d’intégrer les observations des amateurs).
  • Le développement du Web interactif a créé la plus grande agora que l’humanité ait jamais connue : un lieu où les humains s’expriment bien entendu avec des procédures jusqu’alors inédites et en évolution constante, et aussi (pour l’instant ?) une liberté incomparable. Donc des données qui nous font signe, un formidable réservoir de données qui nous aiderons à mieux comprendre nos contemporains.

C’est là que nous nous situons, le Collectif Cristal Research, avec notre Plan Narval.

19/05/2010

Internet et les Études Marketing et Opinion : deux ruptures qui n'ont rien à voir

par Françoise Frisch

L’incidence d’Internet et de ses développements récents s’observe, dans notre métier, sur plusieurs registres très différents les uns des autres et répartis en deux grandes familles qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre : les conditions d’exercice de la profession, d’une part, la matière sur laquelle nous travaillons, d’autre part.

Les conditions d’exercice de la profession : au moins deux changements majeurs.

  • Trois professions au moins se disputent le même marché, ce qui est fort nouveau : les EMO ; les entreprises de Veille (stratégique) en ligne ; et même les spécialistes de CRM (Consumer Relationship Management), puisque ces trois professions contribuent à informer les commanditaires d’études à propos de leurs clients/consommateurs/électeurs. Cette concurrence nouvelle liée à l’apparition du Web interactif crée évidemment des tensions sur le marché des enquêtes…

  • Les attentes des commanditaires d’études sont par ailleurs profondément modifiées et se modifient chaque jour un peu plus (ex : la fréquentation d’Internet modifie la relation à l’acquisition d’information et notre profession s’en trouve modifiée d’une manière comparable à celle qui atteint la presse).

La matière sur laquelle nous travaillons : au moins trois changements majeurs

  • Il y a Internet en tant qu’outil, nouveau médium (au même titre que par exemple le téléphone a pu l’être)
  • Il y a Internet puis le web interactif en tant que source de données dont nous ne disposions pas auparavant
  • Il y a enfin le Web interactif en tant que modificateur de la sociabilité, et ceci sous le double aspect de l’objet de notre travail (la société que nous observons est modifiée par le web interactif) et des relations avec nos clients commanditaires d’études (la Web interactif modifie les relations prestataires/clients dans de nombreux secteurs dont le nôtre…et la presse !).

Conclusion : la profession des EMO traverse une période à proprement parler révolutionnaire. Après des réactions en ordre dispersé, on sent que des échanges s’organisent, comme en témoigne le groupe de travail mis en place au Syntec-EMO par Luc Laurentin, patron de Limelight.

Quelles conséquences pour le web en tant que source de données ?